7.12.22

Chroniques de Novembre 2022

par Georges Charles

Mardi 1er novembre

Écolo sì, ma non troppo ; 21e partie, les rapports du GIEC

Depuis plusieurs années, nous sommes régulièrement informés de la publication des rapports du GIEC.

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a été créé en 1988 par deux i nstitutions des Nations unies, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme desNations unies pour l’environnement (PNUE). Sa mission est d’évaluer l’état des connaissances sur l’évolution du climat, ses causes, ses conséquences ; il identifie également les possibilités de limiter l’ampleur du réchauffement et la gravité de ses impacts.

Le rapport du GIEC d’août 2019 portait sur « les changements climatiques, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire et les flux de gaz à effet de serre dans les écosystèmes terrestres ». Si le document rappelait que « l’augmentation des surfaces consacrées à l’agriculture et la hausse de la productivité ont permis de soutenir la consommation alimentaire d’une population en hausse », il soulignait également que ces changements avaient contribué à la hausse des émissions de gaz à effet de serre, à la perte d’écosystèmes naturels et au déclin de la biodiversité.

L’agriculture, l’exploitation forestière et autres activités liées à l’utilisation de la terre représentaient en moyenne 23 % des émissions nettes de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine ; en y ajoutant les industries de transformation des aliments, cette part montait à 37 %. Les auteurs du rapport s’étaient également penchés sur le système alimentaire mondial. Depuis 1961, la consommation par personne d’huiles végétales et de viande avait plus que doublé, quand la consommation de calories alimentaires augmentait d’un tiers. Les experts précisaient qu’environ 800 millions de personnes souffraient de la faim, deux milliards d’adultes étaient obèses ou en surpoids et 20 % de la nourriture était gaspillée…

En août 2021, le GIEC présentait les connaissances les plus avancées et récentes sur le réchauffement climatique, qui serait sur le point d’atteindre + 1,5 °C dès 2030, soit 10 ans plus tôt que la précédente estimation. Le rapport d’avril 2022 propose toute une série de recommandations pour limiter notre impact sur l’environnement, réduire les émissions de gaz à effet de serre et limiter le réchauffement climatique : remplacement des énergies fossiles, captage de CO 2 , réduction de la demande énergétique, recyclage des déchets, transports écologiques…

À chaque rapport, les experts du GIEC ne nous donneraient plus que quelques années pour modifier nos modes de production et nos modes de vie, avant la catastrophe ! Les habitants de la planète Terre sont comme ces soldats des opéras classiques qui piétinent sur place en chantant : « Marchons ! Marchons ! » Pour paraphraser une formule célèbre du président Chirac, l’immense majorité des habitants de la planète accueillent ainsi les rapports du GIEC : « cela leur en touche une, sans faire bouger l’autre. »

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5.11.22

Chroniques d'Octobre 2022

 Par Georges Charles

Samedi 1er octobre

Douce France ; 65e partie, pourquoi ces périples ?

Cet été, les trois régions préférées des touristes : Nouvelle- Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Des France en miniature : du littoral, des montagnes, des paysages ruraux variés, des métropoles, des cultures différentes.

Cela fait un certain temps que je m’interroge sur ce qui me motive dans ces périples.

Le plaisir de conduire. Les routes secondaires françaises sont peut-être parmi les plus belles du monde. Elles conduisent avec fantaisie vers la toison sombre des forêts, le vert des prairies, l’ocre brun des champs labourés, les villages campés sur les cambrures du relief, les sinuosités de rivières minuscules. Elles permettent d’être attentif au moment où les toits changent de formes ou de matériaux ; elles révèlent la divergence, le contraste, la rupture, la frontière entre de petits pays.

Le goût des vieilles pierres. Je suis capable de faire un détour significatif pour certaines, notamment celles peu connues des touristes.

Un certain " tropisme " pour des territoires d’Occitanie semidésertiques : le causse de Gramat, dans le Lot, La Margeride en Lozère, l’Aubrac, à cheval sur l’Aveyron, le Cantal et la Lozère, les causses de Sauveterre, Méjean, du Larzac, entre Lozère, Aveyron et Hérault…. 

S’arrêter quelque part, de préférence en hauteur, en un lieu où la vue embrasse les paysages à 360 °, sur des dizaines de kilomètres. Contempler. Ça apaise, en général. Cette aspiration au silence, aux étendues désertes, n’est-elle pas naturelle pour quelqu’un qui, comme moi, habite toute l’année ou presque dans une grande métropole.

Un certain goût pour la solitude, à petites doses.

Il voyage en solitaire
Et nul ne l’oblige à se taire
Il chante la terre
Et c’est une vie sans mystère
Qui se passe de commentaire
Pendant des journées entières
Il chante la terre 

Gérard Mancet, 1988

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5.10.22

Chroniques de Septembre 2022

 par Georges Charles

Vendredi 2 septembre

Écolo sì, ma non troppo ; 16e partie, l’agriculture urbaine écologique à Cuba, faire de nécessité vertu
 

Au début des années 1990, Cuba avait perdu le soutien économique de l’URSS, empire en voie de désagrégation. En cinq ans, le PIB cubain baissait de 35 % et le pouvoir d’achat de 50 %. Faute de pétrole et de fertilisants que le " grand frère " soviétique ne fournissait plus, le secteur agricole s’était effondré.

Poussés par la faim, les Cubains se mirent à semer et à planter. Dans les villes, 400 000 exploitations (chiffres de 2015) fournissent des fruits et des légumes, grâce à des engrais et insecticides bio. À La Havane, agglomération de deux millions d’habitants, 35 000 ha sont en production, suffisamment pour couvrir la moitié des besoins alimentaires en fruits et légumes. Dans ces fermes citadines, les tracteurs ont été remplacés par des boeufs.

Deux catégories d’exploitation : les huertos intensivos (jardins intensifs, l’équivalent des jardins familiaux) et les organopónicos, des fermes coopératives. L’objectif premier de ces plantations n’est pas de faire négoce, mais d’alléger la part de l’alimentation dans le budget des familles. L’État fournit semences, bio-fertilisants, outillage, matériel d’irrigation et conseils techniques ; en retour, il perçoit 20 % des récoltes, qui sont répartis dans les écoles, les hôpitaux et les maisons de retraite. Les 80 % restants peuvent être vendus, à des tarifs plafonnés. Les nouveaux cultivateurs s’y retrouvent-ils ? Ils consomment des produits frais et gagnent trois fois plus que lorsqu’ils étaient salariés de l’État.

À l’ombre des immeubles de Santa Clara, à l’est de La Havane, sur un ancien terrain vague, poussent épinards, laitues…

Le  rêve des écologistes serait-il devenu réalité à Cuba ? Cette" révolution verte ", née de la nécessité et non d’un choix démocratiquement débattu dans la population cubaine, n’est rien d’autre qu’une solution marchande dans le cadre d’une société étatisée. Resterat-elle valable, en cas de changement du contexte économique ? Aujourd’hui encore, Cuba importe environ 70 % de son alimentation.

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7.9.22

Chroniques d'Août 2022

 par Georges Charles

Mercredi 3 août

Le despotisme oriental ; 2e partie, une brève histoire de la Russie

Du milieu du XIIIe à la fin du XVe siècle, la principauté de Moscou a vécu sous le joug des Tataro-Mongols ; elle en a gardé le despotisme lourd, la soumission du peuple aux nobles, les boyards. En absorbant progressivement d’autres territoires, la principauté de Moscou devient un empire sous Ivan IV dit " le Terrible ", qui prend en 1547 le titre de « tsar de toutes les Russies ». Pierre, dit " le Grand " (1672- 1725), contemporain de Louis XIV, avait voulu " civiliser " la Russie ; il aura recours à des administrateurs, des bureaucrates et des instructeurs étrangers pour tenter de " dresser " les Russes et leur inculquer les valeurs de la civilisation occidentale.

Peut-on comparer le despotisme oriental russe et la monarchie absolue française ? Dans le premier cas, il n’y a aucune institution telle qu’un parlement, aucune classe sociale telle qu’une bourgeoisie marchande ou une aristocratie terrienne, pour contester l’absolutisme ; les nobles sont les valets du tsar, propriétaire de " toutes les Russies ", qui leur octroie des fiefs quand ils le servent militairement.

La monarchie absolue française s’est, elle, caractérisée par l’intervention de l’État pour imposer son arbitrage à deux classes sociales en conflit, la bourgeoisie ascendante et la noblesse, toujours puissante.

Au milieu du XIXe siècle, l’intelligentsia russe se divisait en deux camps : les slavophiles et les occidentaux. Ils étaient tous d’accord pour constater l’originalité absolue, par rapport à l’Europe, du développement de la Russie, mais les slavophiles estimaient que cette situation était fondamentalement saine et qu’il n’y avait point de salut pour les Russes en dehors de leurs traditions nationales ; les occidentaux estimaient au contraire que la Russie ne pouvait avoir d’autre perspective que de se rapprocher rapidement des conditions établies dans les pays de l’ouest européen.

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7.8.22

Chroniques de Juillet 2022

par Georges Charles

Vendredi 1er juillet

Au nom du peuple français ; 12e partie, le procès du " violeur de la Sambre " 

C’est un procès hors-norme, au vu du nombre des victimes. Dino Scala, surnommé le " violeur de la Sambre ", était jugé depuis le 10 juin dernier devant les assises du Nord pour des viols et agressions sexuelles ; 17 viols, 12 tentatives de viol, 27 agressions ou tentatives d’agression sexuelle sur 56 femmes, âgées de 13 à 48 ans, entre 1988 et 2018.

 Cet ouvrier au casier judiciaire vierge, marié et père de trois enfants, avait été interpellé en février 2018 devant son domicile de Pontsur-Sambre (Nord), dans le cadre d’une enquête judiciaire ouverte en 1996.

En garde à vue, il avait reconnu s’en être pris à plusieurs dizaines de femmes, affirmant avoir agi « sous le coup de pulsions qu’il ne parvenait pas à contrôler ». Il était soupçonné d’avoir sévi dans plusieurs localités du bassin de la Sambre, rivière qui traverse la frontière francobelge.

Après trois semaines de procès, les jurés de la cour d’assises de Douai ont reconnu Dino Scala coupable et l’ont condamné à la peine maximale encourue, 20 ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté des deux tiers.

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6.7.22

Chroniques de Juin 2022

 par Georges Charles

Jeudi 2 juin

La société de consommation ; 5e partie, le temps du " café chaussette"  

Au début du XVIIe siècle, les marchands italiens, spécialisés dans le commerce des épices entre l’Asie, l’Orient et l’Europe, furent les premiers à introduire le café (1) en Europe.

 « Racine passera, comme le café ! » est une phrase attribuée, à tort, à la marquise de Sévigné. Elle était néanmoins convaincue que la ferveur suscitée par le théâtre de Racine allait bientôt s’éteindre, comme la vogue du café à l’époque. Or, la suite des événements a montré que l’oeuvre de Racine et le café étaient devenus des classiques de la civilisation française… 

Le mot " café " est également synonyme de débit de boissons. Le bistrot de village de mes parents s’appelait : " Café Charles ".

Quantité de caféine absorbée par jour et par habitant par boisson de café (en brun) ou de thé (en vert), ainsi que la somme des deux (en blanc), données FAO 1995


 Au XIXe siècle, les moulins à café entraient dans de nombreux foyers ; le premier modèle de la société Peugeot Frères date de 1832



Personnellement, j’ai vécu toutes ces étapes, depuis le café de grand-mère jusqu’à celui de George Clooney. Au temps de mon enfance en Lorraine, on ajoutait parfois de la chicorée au café, pour adoucir le breuvage ; une pratique courante en Belgique et dans le Nord de la France, là où la chicorée pousse le mieux. Le contact physique avec les produits bruts était permanent : le café était acheté en grains, qu’il fallait moudre avec un moulin à café manuel ; remplir le filtre (la " chaussette ") de la moulure, sur laquelle on versait de l’eau frémissante ; après dégustation, il fallait se coltiner la tâche, ingrate et salissante, de nettoyer le filtre et de jeter le marc de café, substance sombre et humide, dans la poubelle. Puis sont arrivés les moulins à café électriques, le café moulu, les filtres en papier.

Il suffisait d’y penser : pour remplacer la cafetière à chaussette, Melitta Bentz eut l’idée d’utiliser un buvard pour s’en servir de filtre. L’invention fut rapidement brevetée et ainsi naquit la marque Melitta.

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6.6.22

Chroniques de Mai 2022

 par Georges Charles

Lundi 2 mai

La société de consommation ; 4e partie, Les choses, GeorgesPerec, 1965 

J’ai eu personnellement la chance de découvrir Georges Perec dès la sortie de son premier roman ; Prix Renaudot et grand succès public, 100 000 exemplaires la première année. 

Le roman a pour sous-titre : Une histoire des années soixante. Son action se situe au coeur des Trente Glorieuses, dans ces années qui voient l’essor de ce qu’on appelle la " société d’abondance " ou la " société de consommation ".

Un jeune couple, Jérôme et Sylvie, lancés dans la vie active après des études universitaires écourtées, rêvent de devenir riches tout en préservant leur liberté. Ils se font embaucher par des agences de publicité pour lesquelles ils se livrent à des enquêtes de motivation sur la consommation des ménages, alors en plein essor. Ces emplois précaires ne leur permettent pas de faire fortune, alors qu’ils sont taraudés par mille tentations. 

Les rues ne sont pour eux qu’une immense vitrine où se succèdent les antiquaires, les grands restaurants, les agences de voyage, les tailleurs, les chausseurs, les confiseurs. Ils sont fascinés, non pas par les marchandises elles-mêmes, mais par l’image de soi que leur possession symbolise. Ces petits-bourgeois, un peu libertaires, doivent constater avec amertume la disproportion qui existe entre leurs désirs et leur compte en banque. Les Choses, roman de la frustration, des appétits inassouvis.

Pour échapper à une vie qu’ils jugent étriquée et frustrante, parce qu’elle ne leur permet pas d’acquérir les " choses " dont ils rêvent, Jérôme et Sylvie partent en Tunisie, en coopération postcoloniale, dans un pays encore à l’écart de la société de consommation. Ils reviennent en France et entrent comme cadres dans une agence publicitaire. Bien payés, bien logés, bien nourris… Enfin à eux le divan Chesterfield, les tapis de soie, les bibliothèques de chêne clair. Mais finie la liberté !

L’influence de Flaubert sur Perec est visible : le regard ironique, la structure des phrases, l’usage privilégié de l’imparfait de l’indicatif. L’auteur l’a revendiqué lui-même, en parlant de son roman, « construit sur le modèle de L’Éducation sentimentale ». Je ne pouvais qu’apprécier, dans la mesure où, comme pour Les choses, la lecture du roman de Flaubert avait constitué une étape importante dans ma propre formation culturelle.

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5.5.22

Chroniques d'Avril 2022

 par Georges Charles

Samedi 2 avril

Les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, printemps 2002 ; 1ère partie, l’histoire du pèlerinage

Dans la série " Contes et légendes " chrétiennes, voici celle de Jacques de Zébédée, ou Jacques le Majeur, ou Saint Jacques. Juif de Galilée, pêcheur du lac de Tibériade, l’un des douze apôtres de Jésus- Christ et frère de Jean. Toujours selon la légende, au VIIe siècle, les restes de son corps (que l’on se permette d’imaginer dans quel état étaient ces restes, 700 ans après…) auraient été amenés en Galice par des disciples, puis enterrés. Vers 820, une miraculeuse " pluie d’étoiles " aurait signalé l’emplacement du tombeau. Champ d’étoiles, campus stellae, Compostelle.

Selon l’état actuel de la recherche historique, il n’y a, en dehors du Nouveau Testament, aucune preuve de l’historicité de ce fameux Jacques. Par contre, la " découverte " des reliques survient à un moment particulier de l’histoire de l’Espagne, le début de la Reconquista des terres musulmanes de la péninsule Ibérique par les souverains chrétiens. D’où la légende de Saint Jacques Matamoros (" tueur de Maures ")


Le pèlerinage de Compostelle devient, à partir du XIe siècle, un emps fort pour la chrétienté médiévale : c’est plus près que Jérusalem et surtout, le voyage est moins périlleux. Chaque année, au printemps, des centaines de milliers de pèlerins se mettent en route. Pour comprendre le phénomène que représentent ces transhumances annuelles et régulières, on peut les comparer aux départs en vacances d’été vers les plages de l’Atlantique et de la Méditerranée.

En France, quatre itinéraires, quatre caminos. Depuis Paris, la via Turonensis ; depuis Vézelay, la via Lemovicensis ; depuis Le Puy-en- Velay, la via Podiensis (c’est le seul itinéraire que je connaisse, pour en avoir parcouru une étape, dans l’Aubrac) ; depuis Arles, la via Tolosana. Les trois premiers itinéraires se rejoignent à Ostabat-Asme, en amont de Saint-Jean-Pied-de-Port, dans les Pyrénées-Atlantiques.


Ce pèlerinage, très populaire du XIe au XIIIe siècle, perd peu à peu de son attrait. Il reprend à la fin du XXe siècle en se conjuguant avec l’essor de la pratique de la randonnée. Les chemins de Compostelle ont été déclarés en 1987 " Premier itinéraire culturel " par le Conseil de l’Europe. Depuis le début du siècle, les chemins attirent plus de 200 000 pèlerins et/ou marcheurs chaque année.

En ce qui nous concerne, nous avons choisi de faire cepèlerinage… en voiture depuis Toulouse, avec possibilité d’escapades le long de l’itinéraire officiel du camino francés, en Espagne.

 

Via Podiensis, dans l’Aubrac 

Camino francés, entre Burgos et Léon

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4.4.22

Chroniques de Mars 2022

 Mercredi 2 mars

Le commerce des épices ; 2e partie, pourquoi un tel engouement ?

Le mot " épice " (du latin species, qui signifie " substance "), apparu dans la langue française à la fin du XIIe siècle, désigne historiquement une substance aromatique d’origine végétale, à coût unitaire élevé, importée la plupart du temps de régions tropicales d’Asie (Inde, Indonésie, Asie du sud-est) et d’Amérique (Mexique, Pérou, Antilles). Étant données les distances parcourues avant leur commercialisation, les épices apparaissaient principalement sous forme séchée, voire broyée, concassée ou moulue.

Si l’on s’intéresse aux origines de la demande d’épices en matière d’alimentation, on rencontre diverses explications. Le calendrier chrétien comportait de nombreux saints, qu’il convenait d’honorer en consommant du poisson à la place de la viande ; ce met, fade, ne devenait appétissant que par l’ajout d’épices. La diversité culinaire était pauvre ; les épices apportaient un peu de goût et de fantaisie à la gastronomie (l’art culinaire n’apparaîtra qu’à la Renaissance). Par contre, deux explications sembleraient erronées : les épices auraient été utiles pour conserver les aliments, c’est peu probable, car des méthodes connues depuis la Préhistoire comme le fumage, la salaison ou le séchage à l’air étaient beaucoup plus efficaces ; les épices auraient été utiles pour masquer le goût de la viande avariée, c’est peu probable, leur coût étant bien supérieur à celui des aliments frais, disponibles localement.

Marchand d’épices à Nuremberg, manuscrit de 1453

La demande d’épices avait donc des causes plus profondes et plus complexes que la simple curiosité gastronomique. Les sociétés antiques et médiévales les considéraient comme efficaces pour traiter et prévenir certaines maladies. Les épices étaient aussi brûlées comme encens pour les sacrements, distillées pour la cosmétique, les parfums et les onguents. Le déclin des épices en Europe au XVIIe siècle coïncidera avec le succès de nouveaux produits stimulants : café, tabac, thé et chocolat.

Comme toute marchandise de luxe, les épices avaient une fonction de distinction sociale. Elles représentaient pour leur acquéreur un symbole de richesse, de prestige et de style. Les épices, notamment le poivre, avaient parfois servi de monnaie d’échange (d’où cette expression, « payer en espèces », à l’origine, « payer en épices ») et de valeur refuge. Lorsque les Croisés, au XIIe siècle, s’emparèrent de la ville de Césarée, en Palestine, ils furent récompensés avec un kilogramme de poivre !

Le poivre, " roi des épices ", cultivé au sud-ouest de l’Inde, sur la côte de Malabar, dans la région du Kerala, était de très loin la principale épice à valeur marchande, au moins jusqu’au XVIIe siècle. La cannelle et le curcuma provenaient également du sous-continent indien. Le gingembre venait d’Asie du sud-est ; les " îles aux épices ", l’archipel des Moluques, à l’est de l’Indonésie, ont été longtemps l’unique source du clou de girofle et de la noix de muscade.

Ce soir, j’ai procédé à l’inventaire du rayon " épices " de ma cuisine : cannelle, cumin, curry, gingembre, muscade, paprika, poivre. Pas très fourni !

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4.3.22

Chroniques de Février 2022

 par Georges Charles

Mercredi 2 février

Mon quartier et ses habitants

Depuis avril 2011, je réside en bas du quartier Bonnefoy, dans un ilot relativement bien identifié par les Toulousains. Qui n’est pas passé, au moins une fois, sur le boulevard des Minimes, en longeant le Canal du Midi vers la gare Matabiau ? Qui n’a pas longé, au moins une fois, cette barre d’immeubles d’une douzaine d’étages, cinq au total, construite dans les années 1960, entre le chemin du Raisin et la rue du Maroc. Mon immeuble, au n° 9, comporte 13 étages ; le plus élevé, de 17 étages, est en cours de réhabilitation lourde.

Nous sommes à la frontière du fameux projet d’aménagement urbain " Grand Matabiau Quais d’Oc " (ex-Teso) : d’ici à 2030, 4 hectares de parcs et jardins, 20 000 m² d’équipements publics et 450 000 m² de surfaces de plancher (3 000 logements, 200 000 m² de bureaux), ainsi que des commerces, des services et des activités de loisirs.

Depuis avril 2011, je me suis familiarisé avec les circuits habituels des habitants de ce quartier : vers l’avenue de Lyon et la rue du Faubourg Bonnefoy, vers le centre-ville par la rue Matabiau ou la rue Bayard. J’y rencontre parfois des résidents de mon immeuble ; nous nous saluons, nous reconnaissons par ce geste notre commune appartenance à ce " village " virtuel, délimité par quelques rues. Des gens connus, ici ? La tête de liste écologiste aux dernières municipales de Toulouse et aux régionales d’Occitanie, Antoine Maurice, résiderait dans un immeuble proche du mien.

Je souhaiterais évoquer ici certains " personnages ", que je croise régulièrement. Ce qui les singularise, tout au moins à mes yeux, c’est leur allure pittoresque, bizarre, décalée, marginale, hors-système, qui se caractérise notamment par une manière particulière de se déplacer dans l’espace public. C’est peut-être ma propre situation qui m’aurait amené à repérer, dans la foule des passants, ceux qui rencontrent des difficultés de mobilité.

Le premier, je l’appelle " le zombie ". Grand, très maigre, sobrement vêtu, la quarantaine ; il marche d’un pas extrêmement lent, en regardant ses pieds. Il a la démarche de quelqu’un bourré de cachetons qui lui permettent d’obtenir les équilibres psychique et physique suffisants pour sortir de chez lui. Quelle est sa vie intime et sociale ?

Le second, je l’appelle " la caricature ". Il s’agit d’un homme, d’une cinquantaine d’années, travesti, transexuel, transgenre pour parler moderne. Il porte perruque blonde, blouson coloré, jupe courte et bottes de femme. Tout est caricatural en lui : la démarche disgracieuse, la lourde scoliose, les cuisses maigres, les genoux cagneux. Quelle est sa vie intime et sociale ?

La troisième, je l’appelle " la danseuse ". C’est une résidente de mon immeuble ; victime d’un AVC il y a quelques années, hémiplégique.Elle marche très difficilement, par petits bonds. Selon certains voisins, elle refuserait absolument toute aide de la part d’autrui, car elle souhaiterait vivre comme si tout était normal…Quelle est sa vie intime et sociale ?

Les quatrièmes, je les appelle " les Brueghel ". Depuis 11 ans, j’ai eu le temps de les voir vieillir… et se délabrer physiquement. Deux jumeaux, octogénaires, presque aveugles, portant des vêtements sales et usagés. Aujourd’hui, j’observe qu’ils marchent de plus en plus difficilement, dans une lenteur douloureuse, l’un s’appuyant sur l’épaule de l’autre, à peine plus valide. Quelle est leur vie intime et sociale ?

De tous ces personnages, ce sont les Brueghel qui suscitent en moi le plus profond malaise.

La Parabole des aveugles, Brueghel l’Ancien, 1568

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9.2.22

Chroniques de Janvier 2022

 par Georges Charles

Samedi 1er Janvier

Événements 2002 ; le passage à l’euro

La décision d’adopter une monnaie unique européenne avait été prise dès 1988. Le traité de Maastricht, en 1992, avait scellé l’engagement sur la voie de l’union économique et monétaire (UEM) et l’adoption, " à terme ", d’une monnaie unique. En 1999, l’euro devenait la monnaie légale des 11 premiers membres de la " zone euro ".

La BCE, siégeant à la Skytower à Francfort-sur-le-Main en Allemagne,
est chargée de la politique monétaire de la zone euro

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10.1.22

Les voeux de Ginette

 

Bonjour mes amis,


Si le temps d’écrire m’a manqué en ce début d’année, le temps de penser à mes amis et à tous mes proches ne m’a pas été compté, je vous rassure.


Notre dernier petit-fils ayant regagné ses pénates hier soir, je me réjouis de pouvoir vous consacrer enfin « un peu » de temps entre des séances de rangement et de lessives quelque peu fastidieuses et… avant un départ pour Paris dès demain, car la crèche de notre petit-fils vient de fermer, la plupart du personnel y est atteint du Covid.


Que vous dire en ce dix janvier (déjà dix jours écoulés depuis la Saint-Sylvestre), si ce n’est vous livrer des sentiments positifs malgré les événements qui occupent un peu trop nos pensées et nos faits depuis deux ans.


J’aimerais que ces derniers ne nous empêchent pas de nous souhaiter réciproquement du bon temps pour cette nouvelle année.


Soyons toujours philosophes et sachons trouver dans chaque journée un ou plusieurs bons moments ! Ils existent, il suffit d’y croire. Je crois qu’il faut rester optimistes quand bien même on n’entend que lamentations sur tous les sujets autour de nous. Seuls les disparitions d’être chers ou les soucis de santé devraient nous autoriser à nous morfondre.


Que notre groupe reste soudé et que chacun soit à l’écoute des autres !

Il n’ y a pas de grande ou de petite action pour lui faire poursuivre son chemin ; chaque geste, chaque mot, chaque photo, chaque signe, quel qu’il soit, apporte de la chaleur ou du bonheur à l’un ou à l’autre et je vous en remercie sincèrement. Qui aurait pensé en 2006 que notre petite association vivrait encore 16 ans plus tard ?


Bonne année et bonne santé à tous, je vous embrasse,

Ginette

Chroniques de Décembre 2021

 par Georges Charles

Jeudi 2 Décembre

Quand la musique est bonne ; 33e partie, mes dix rocks préférés

Né au milieu des années 1940, j’appartiens pleinement à la génération du " rock and roll " ; j’ai accompagné ses Trente glorieuses, des années 1950 aux années 1970. Ensuite, la créativité se serait perdue, selon moi.

Plutôt qu’un hit-parade, du genre " les dix meilleurs rocks ", ce qui n’aurait pas grand sens, je propose aux lecteurs et lectrices un classement chronologique de mes rocks préférés. Un seul critère : une musique qui donne envie de se lever de sa chaise et de danser. Je vais parfois sur YouTube dénicher des vidéos de concert ; entre les années 1970 avec cheveux longs et pantalons pattes d’éph. et les tournées 2000, les rockers, survivants, ont perdu des cheveux, ont pris des rides et du bide…

Cela ne surprendra personne : ce palmarès est intégralement anglo-saxon ! Nous n’avons eu droit, en France, qu’à des adaptations plus ou moins réussies.

Bill Haley, 1954
Rock around the clock
L’indispensable rock des boums des années 1960.

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