8.12.18

Chroniques de Novembre 2018

par Georges Charles

Samedi 3 novembre

Mairie de Toulouse, Affaires Sociales ; 7e partie, l’art de convaincre ; l’art d’avoir toujours raison
 
Dans les années 1990, la mode était à la privatisation de services publics municipaux, notamment l’eau, l’assainissement et les parkings publics. Cette mode s’était étendue à la gestion des services sociaux et socioculturels ; certaines de leurs missions pouvaient être assurées par des partenaires privés, mieux à même de gérer à la fois le caractère intermittent de ces missions et la situation professionnelle précaire des personnels. La mairie de Toulouse, historiquement très interventionniste (des décennies de gestion socialiste, ça laisse des traces), dirigée par Dominique Baudis, de droite, avait épousé ces modes.
 
À la direction des Affaires sociales, nous avions recours à du personnel vacataire, à la fois dans l’animation et la logistique des centres de loisirs, des centres de vacances et des classes de découverte. Pour contourner les rigidités de la gestion publique, la mairie avait monté de toutes pièces des associations (1) pour gérer ce personnel vacataire.
 
J’ai été dans mon rôle, de cadre et de syndicaliste, lorsque j’ai eu à intervenir en tant qu’expert devant le Comité technique paritaire (instance d’élus municipaux et de représentants du personnel, qui traite de l’organisation des services) pour évoquer la situation des agents de service des centres d’accueil situés hors Toulouse (notamment celui d’Aulus-les-Bains, dans l’Ariège), ouverts toute l’année. Par principe, les agents de la Ville, titulaires, travaillent sur le territoire de la commune.
 
Mes arguments avaient été les suivants : j’ai rappelé l’exemple des musiciens de l’Orchestre du Capitole, titulaires, qui sont parfois en tournée de par le monde ; de plus, le programme de la majorité municipale ne prévoit en rien de mettre un terme à une activité sociale qui date de l’après-guerre. 

Ainsi, ces agents (une dizaine environ), travaillant depuis des années pour un service pérenne, n’avaient pas vocation à être gérés par une association ; bien au contraire, leur titularisation était justifiée. Le CTP a voté en ce sens.
 
Dans une autre vie, j’ai dû lire Schopenhauer (2) et François de Callières. Arthur Schopenhauer, philosophe allemand (1788-1860), fait paraître en 1831 cet ouvrage : L’Art d’avoir toujours raison. Dialectique éristique… ça marche, même quand on a raison ! La renommée de François de Callières, académicien et diplomate sous Louis XIV, n’a cessé de s’affirmer depuis le dernier tiers du XXe siècle. Son ouvrage, De la manière de négocier, est au programme des meilleures écoles de commerce, comme des universités les plus prestigieuses. À Harvard, on voit en Callières l’inventeur de la notion de soft power ; à Tokyo, on s’appuie sur lui pour étudier les relations entre les sexes au sein de l’entreprise… Négocier oui, harceler non ! C’est d’actualité !
 
L’art de convaincre, c’est aussi l’art de négocier. On entend souvent cette phrase, dont l’énonciation est censée régler les problèmes : « il suffit de se mettre autour d’une table et de se parler ! » Oui, mais à condition de savoir ce que l’on vient y faire et d’apporter des provisions, d’admettre pour soi les points à négocier aisément, ceux sur lesquels on tiendra la ligne de front et enfin ceux qui ne sont pas négociables (la  fameuse " ligne rouge " à ne pas franchir). Si l’on s’obstine trop longtemps sur les premiers, on se fatigue et on fatigue l’adversaire.
 
Quelques règles de négociation : ne jamais perdre de vue ce que l’on veut obtenir, in fine ; ne jamais oublier ce que veut l’adversaire ; quand on se trouve acculé, donner du mou, on le récupérera plus tard.



François de Callières (1645- 1717) : De la manière de négocier avec les souverains (1716).

« C’est un des grands secrets de l’art de négocier que de savoir distiller goutte à goutte dans l’esprit de ceux avec qui on négocie les choses dont on a intérêt à les persuader. »


(1) Associations parfois présidées par des élus municipaux… qui votaient les subventions à ces associations. Heureusement que les juristes veillent ; ces associations ont été rapidement dissoutes ou remplacées par d’autres, desquelles les élus municipaux étaient exclus.

(2) Dans le film Le brio, d’Yvan Attal, il en est beaucoup question.
 


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