6.7.16

Chroniques de Juin 2016

par Georges Charles

Jeudi 2 juin

Mens sana in corpore sano : 1ère partie, « le sport est l’opium du peuple »
 
Mens sana in corpore sano, citation extraite de la dixième Satire de Juvénal, auteur latin. On la traduit ainsi : « un esprit sain dans un corps sain ».
 
Dans les années 1970 où il était de bon ton de critiquer institutions, représentations, exploitations et aliénations, celles liées aux sports en général et au football en particulier ne pouvaient être épargnées.
Ainsi, il était politiquement correct de mépriser le sport, les sportifs et leurs supporters, ces derniers assimilés à des meutes hystériques et braillardes (« On a gagné ! »), brandissant banderoles, calicots et canettes de bière. Pour Jean-Marie Brohm, sociologue freudo-marxiste : « le sport, de nos jours la principale marchandise de l’industrie de l’amusement, est une économie politique de la crétinisation des masses. »
 
Victime de cette " pensée critique du sport, des loisirs physiques et de la culture du corps en régime capitaliste ", nourrie de marxisme et de féminisme (le sport, notamment professionnel, étant par nature machiste, viril, compétitif…), je me suis bêtement interdit de manifester de l’intérêt pour les événements sportifs pendant plusieurs années.  Pourtant, je savais au fond de moi que cet intérêt tenait beaucoup au fait que j’avais pratiqué le football quand j’étais môme.
 
Pour conclure sur cette question, revenons sur la formule qui fait florès depuis ces années-là : « le sport est l’opium du peuple ». Elle renvoie à une citation de Karl Marx lui-même : « la religion est l’opium du peuple ». Extraite de son essai " Pour une critique de la philosophie du droit de Hegel ", écrit à Paris en 1843, la citation complète est la suivante : « La détresse religieuse est en même temps l’expression de la vraie détresse et la protestation contre cette vraie détresse. La religion est le soupir de la créature opprimée, le coeur d’un monde sans coeur, tout comme elle est l’esprit d’un monde sans esprit. Elle est l’opium du peuple. »
 
Ces réflexions sur la religion n’étaient pas novatrices ; à l’époque de Marx, Heinrich Heine écrivait en 1840 : « Bénie soit une religion qui verse dans l’amer calice de l’humanité souffrante quelques gouttes d’opium spirituel, quelques gouttes d’amour, de foi et d’espérance. » Moses Hess, en 1843 : « La religion peut rendre supportable la conscience malheureuse de la servitude, de la même manière que l’opium est d’une grande aide dans les maladies douloureuses. »
 
Citer cette formule pour affirmer que la religion est juste bonne à endormir le peuple est donc un contresens. Dans la France des années 1840, l’opium était une substance prisée de certains artistes car elle excitait leur imagination et soignait leur spleen. Le véritable sens est ainsi révélé : la religion apporte au peuple opprimé ce que l’opium offre aux artistes troublés, des visions consolatrices et une espérance, fût-elle illusoire.
 
Le sport, comme le dit Marx de la religion, est l’esprit d’un monde sans esprit.

Lire la suite ...