6.6.22

Chroniques de Mai 2022

 par Georges Charles

Lundi 2 mai

La société de consommation ; 4e partie, Les choses, GeorgesPerec, 1965 

J’ai eu personnellement la chance de découvrir Georges Perec dès la sortie de son premier roman ; Prix Renaudot et grand succès public, 100 000 exemplaires la première année. 

Le roman a pour sous-titre : Une histoire des années soixante. Son action se situe au coeur des Trente Glorieuses, dans ces années qui voient l’essor de ce qu’on appelle la " société d’abondance " ou la " société de consommation ".

Un jeune couple, Jérôme et Sylvie, lancés dans la vie active après des études universitaires écourtées, rêvent de devenir riches tout en préservant leur liberté. Ils se font embaucher par des agences de publicité pour lesquelles ils se livrent à des enquêtes de motivation sur la consommation des ménages, alors en plein essor. Ces emplois précaires ne leur permettent pas de faire fortune, alors qu’ils sont taraudés par mille tentations. 

Les rues ne sont pour eux qu’une immense vitrine où se succèdent les antiquaires, les grands restaurants, les agences de voyage, les tailleurs, les chausseurs, les confiseurs. Ils sont fascinés, non pas par les marchandises elles-mêmes, mais par l’image de soi que leur possession symbolise. Ces petits-bourgeois, un peu libertaires, doivent constater avec amertume la disproportion qui existe entre leurs désirs et leur compte en banque. Les Choses, roman de la frustration, des appétits inassouvis.

Pour échapper à une vie qu’ils jugent étriquée et frustrante, parce qu’elle ne leur permet pas d’acquérir les " choses " dont ils rêvent, Jérôme et Sylvie partent en Tunisie, en coopération postcoloniale, dans un pays encore à l’écart de la société de consommation. Ils reviennent en France et entrent comme cadres dans une agence publicitaire. Bien payés, bien logés, bien nourris… Enfin à eux le divan Chesterfield, les tapis de soie, les bibliothèques de chêne clair. Mais finie la liberté !

L’influence de Flaubert sur Perec est visible : le regard ironique, la structure des phrases, l’usage privilégié de l’imparfait de l’indicatif. L’auteur l’a revendiqué lui-même, en parlant de son roman, « construit sur le modèle de L’Éducation sentimentale ». Je ne pouvais qu’apprécier, dans la mesure où, comme pour Les choses, la lecture du roman de Flaubert avait constitué une étape importante dans ma propre formation culturelle.

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