par Georges Charles
Jeudi 1er Octobre
La grand-mère maternelle de mon fils Boris (ma belle-mère, pendant une longue période de ma vie) vient de nous quitter, comme on dit. Celles et ceux qui l’ont connue l’appelaient " Jaja ", diminutif de Jeanine (1). Chacune et chacun garderont d’elle une image particulière, personnalisée ; en ce qui me concerne, j’ai été surtout impressionné par son dynamisme, son esprit entreprenant et indépendant. Pour bien comprendre son parcours, il faut le replacer dans le contexte historique de l’après-guerre. Née en 1928 à Villeneuve d’Aveyron où elle aura passé une grande partie de sa vie, elle décide après la guerre de prendre sa vie en main et d’entrer dans la vie active, grâce à ses compétences de couturière. D’abord dans un atelier de confection de vêtements militaires (c’était, à l’époque, une affaire qui marchait), où elle s’imposait vite dans une fonction de " contremaîtresse ". Ensuite dans le petit commerce de vêtements, prêt-à-porter, mercerie, bonneterie.
Son activisme s’est orienté également vers la communautévillageoise ; deux mandats de conseillère municipale, dont un en qualitéde première adjointe ; participation dans diverses associations, comitédes fêtes, Téléthon, fête médiévale (elle supervisait la confection descostumes d’époque).
" Aveyron, terre de mission " ; c’est ce que disait le clergé de ce département plutôt conservateur face aux hérésies, d’abord la cathare, ensuite la protestante. Jaja était une catholique très pratiquante et impliquée dans la vie de la paroisse ; elle ira au paradis (2), retrouver Marius, son mari, le " De la Quintinie " aveyronnais, évoqué dans une chronique du mois précédent sur les fruits et légumes.
Chacun son souvenir. Le mien sera le suivant : soucieux de parler d’un temps que je n’ai pas connu, j’avais à plusieurs reprises engagé des conversations avec elle où je lui demandais de nous restituer l’état d’esprit de l’immédiat après-guerre, au début des Trente glorieuses. Une remarque de bon sens, de sa part : le pays était tombé si bas pendant la guerre et l’occupation qu’il ne pouvait que remonter ; alors, les gens de ce temps s’étaient retroussé les manches…
Jaja, c’était quelqu’une ! N’avait-elle que des qualités ? Non, elle devait avoir peut-être les défauts de ses qualités (3).
Villeneuve-d’Aveyron, la patrie de Jaja et de sa famille
(1) Jaja, terme argotique pour désigner le vin ; alors que cette dame détestait l’alcool etses effets. Ce terme viendrait de l’expression occitane " jajare ", boire beaucoup ; ou bien de la déformation de " jajin ", qui signifie vin défendu, non casher, en judéoalsacien de la fin du XIXe siècle.
(2) Depuis le début de l’humanité, il y aurait eu près de 80 milliards de morts, dix fois plus que le nombre de vivants actuellement sur la planète. Croire, comme les chrétiens, à la résurrection des morts, c’est prendre le risque de créer un sacré bordel sur Terre.
(3) « On a toujours les défauts de ses qualités, rarement les qualités de ses défauts. » H.G. Wells, écrivain britannique.
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