8.4.24

Chroniques de Mars 2024

par Georges Charles

Dimanche 3 mars

Quand la musique est bonne ; 44e partie, pourquoi j’ai aimé le jazz bebop

Au début des années 1940 aux États-Unis, le public des clubs de jazz était habitué aux mélodies bien ordonnées du " swing ", faites pour danser avec les orchestres de Duke Ellington, Count Basie, Benny Goodman… Dans le même temps, une jeune génération de jazzmen forgeait un nouveau style qui se démarquait radicalement du précédent.

Au premier abord, le jazz bebop, be-bop ou bop, sonne comme un bazar désordonné ; il est rapide, tendu, nerveux, torturé, cérébral, savant et raffiné. Ces qualités me l’ont fait aimer. Louis Armstrong disait de ce style : « Ce sont des accords bizarres qui ne veulent rien dire. On ne retient pas les mélodies et on ne peut pas danser dessus. Dans les clubs de la 52e Rue, on est censé écouter ça assis, comme si c’était du Beethoven où Dieu sait qui... » 

Les premiers enregistrements sont effectués en 1945 sous ladirection de Charlie Parker, saxophone alto : a vec le trompettiste Dizzy Gillespie le 28 février, Groovin’high et Dizzy atmosphere ; puis le 11 mai, Hot house et Salt Peanuts. Une troisième session est réalisée le 26 novembre avec le trompettiste Miles Davis, 19 ans, inconnu du grand public, pour Ko-Ko, Now’s the time, Billie’s Bounce

Charlie Parker et Dizzy Gillespie 

Charlie Parker et Miles Davis

Mon premier disque de jazz : un 45 tours de Charlie Parker, avec notamment Lover man, enregistré en 1946. Diché, en septembre 1963, chez l’unique disquaire de Batna, en Algérie, qui était en train de liquider son stock de disques ; en effet, ses acheteurs habituels, militaires et civils français, avaient quitté la ville après l’indépendance de l’Algérie.

Grâce au bebop, des changements surviennent dans les années1940 et 1950 : individualisation et im cordée aux solistes (en général des instruments à vent, trompette et saxophones) d’une part ; place prise par l’improvisation, d’autre part. Dans un chorus de jazz, le principe de l’improvisation est le suivant : à l’intérieur d’un cadre donné, tout remettre en question, tout recréer, tout " chambouler ". Une fraction de seconde avant d’être lâchées, les notes n’existaient pas encore, leur histoire n’était pas encore écrite. Une fois libérées, leur tracé ne peut que suivre le chemin choisi par le musicien. En dehors de la technicité, cet exercice requiert spontanéité et sensibilité, ainsi qu’une bonne dose d’inconscience. Dans l’improvisation, il n’y a pas de règles… mais il faut tout de même les connaître.

Quelqu’un comme Clint Eastwood, qui aime le jazz de Charlie Parker au point de lui consacrer un film, Bird, sorti en 1988, avec Forest Whitaker dans le rôle du musicien, ne peut pas être tout à fait mauvais… 

Un bel exemple de sectarisme culturel ? L’éclosion de ce nouveau courant du jazz déclencha une controverse en France : attaché à une définition traditionnelle et étroite du genre, Hugues Panassié, critique de jazz influent et patron du Hot club de France fondé en 1932, rejeta violemment le bebop, qu’il considérait comme une " hérésie ". Selon lui, les musiciens Charlie Parker, Dizzy Gillespie et Thelonious Monk tournaient le dos au " vrai " jazz. En vertu des statuts du Hot Club, il était interdit « de propager la musique connue sous le nom de bebop ».

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