6.8.19

Chroniques de Juillet 2019

par Georges Charles

Mercredi 3 juillet

Visiteur de prison de 1996 à 1998

L’administration pénitentiaire gère deux établissements importants dans l’agglomération toulousaine. La maison d’arrêt de Seysses reçoit des personnes en détention provisoire avant jugement, des détenus condamnés à une peine inférieure à 3 ans, ainsi que des condamnés à une longue peine en attente de transfert, soit environ 600 personnes.

À proximité de la maison d’arrêt, le centre de détention de Muret reçoit des personnes purgeant une peine supérieure à 3 ans. Il peut accueillir 638 " pensionnaires ", ce qui en fait le centre le plus important pour ce type de condamnés en France. J’ai été visiteur de prison (1) dans cet établissement, de 1996 à 1998.

La soeur d’un lointain copain d’université, dont j’avais peu de nouvelles depuis des années, était venue un jour me demander un service très particulier : rendre visite à son frère, en détention de longue durée à Muret. J’avais compris qu’après des études en pointillés, il avait choisi le métier d’auto-entrepreneur de transport et de vente de produits stupéfiants illicites.

Deux préalables. Entretien de " moralité " auprès de la police car il est inhabituel de demander un permis de visite pour un détenu en particulier si l’on n’est pas de la famille ; mon statut social de cadre a dû plaider en ma faveur. Entretien avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) de l’établissement pour apprécier le bien-fondé de ma démarche ; mon ami adore se réfugier dans la lecture et il dispose d’un temps presque infini pour cela. Alors, je serai son bibliothécaire.

Même si elle était personnelle, mon initiative s’inscrivait dans une démarche d’ensemble, telle que la pratiquent les associations de visiteurs de prison : apporter aux détenus une aide, un soutien, une écoute, des connaissances, contribuant à atténuer les effets de l’incarcération, à favoriser leur retour à la vie libre et prévenir la récidive.

 




Le centre de Muret accueille des détenus dont les familles résident dans un grand arc Sud, de Nice à Bayonne. Il faut arriver le plus tôt possible, car les autorisations de visite pendant le weekend sont limitées. Le petit bâtiment ci-dessus, à l’entrée du centre, qui me faisait penser à un baraquement de camp de concentration, servait de salle d’attente pour les familles avant le passage en parloir. Caniculaire l’été, polaire l’hiver.

Dans ce contexte, je m’interrogeais sur l’utilité, pour la Justice, d’éloigner volontairement les détenus de leur famille, notamment lorsqu’il s’agissait de prisonniers politiques, Basques en Espagne et Corses en France. Faire des kilomètres, ça coûte, ça fatigue… et ça accroît l’exaspération des détenus et de leurs familles.

De quoi parle-t-on avec mon ami, lors de mes visites ? De littérature, de philosophie… et de sociologie. La population carcérale est souvent jeune et peu instruite. Est-ce par fatalité ou par absence de perspective sociale que les mal-instruits tombent dans la délinquance et se retrouvent en prison ? J’y verrais d’autres explications : ils sont assez cons pour se faire prendre, assez naïfs pour avoir cru qu’ils ne se feraient pas prendre… et trop pauvres pour se payer de bons avocats.

(1) Les visiteurs de prison bénévoles sont environ 1 300 en France.
 

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