par Georges Charles
Dimanche 2 juillet
Les invasions barbares ; 9e partie, frontières et passeurs
Comment se situer, en-deçà ou au-delà de l’opposition entre ceux qui défendent l’existence des frontières et ceux qui rêvent de les abolir ? Depuis des années, des professions libérales ont créé des associations généreuses et altruistes : " médecins sans frontières ", " reporters sans frontières ", " avocats sans frontières "… Pourquoi ne pas en créer de nouvelles : " évadés fiscaux sans frontières ", " trafiquants sans frontières", " terroristes sans frontières ", ou encore " passeurs sans frontières " ? Et la plus extravagante d’entre toutes : " douaniers sans frontières " (1) !
Combien de réfugiés, d’exilés, de persécutés ont dû leur salut au franchissement d’une frontière : les républicains espagnols traversant la frontière française en 1939 ; les résistants trouvant refuge derrière la frontière suisse entre 1940 et 1944 ; les Syriens réfugiés en Jordanie ou en Turquie. La frontière est aussi un barrage contre la barbarie.
Le mur interdit le passage, la frontière le régule. Selon Marcel Duchamp : « une porte doit être ouverte et fermée. »
En fermant ses frontières, l’Europe serait responsable de l’existence des passeurs. Conséquence bien connue des prohibitions : celle de l’alcool aux États-Unis serait à l’origine de la Mafia, celle des drogues serait à l’origine des narcotrafiquants. Après celui de la drogue et des armes, le trafic illicite le plus lucratif est celui des migrants. Cinq milliards d’euros de chiffre d’affaires par an en Méditerranée. Le système fonctionne comme une " agence de voyages ", avec de la publicité via Facebook, pour des formules all inclusive.
Des trafiquants achètent de vieux cargos de transport de bétail entre 150 000 et 200 000 $, autant pour la rémunération de l’équipage et des passeurs. À raison de 5 000 $ environ le voyage par personne, il suffit de transporter 1 000 passagers par cargo pour encaisser un bénéfice net d’environ 4,5 millions d’euros par trajet, plus de 10 fois la mise ! Peu après le départ, les passeurs quittent le navire et l’abandonnent en pleine mer.
Île de Kos, destination touristique
de Grèce, à 6 km de Bodrum, en
Turquie. De Bodrum à Kos, les
réfugiés paient de 2 500 à 3 000 $
en bateau rapide, 1 500 en bateau
low cost. Les touristes de Kos
paient, pour leur part, 30 € en
hydroglisseur, AR en 20 mn, pour
aller passer la journée en Turquie !
L’Union européenne a confié un mandat de surveillance à une flottille internationale de sept navires face à la Libye, mais ces navires ne sont pas autorisés à pénétrer dans les eaux territoriales de ce pays. Les passeurs ont donc adapté leur mode opératoire : ils ne fournissent que le carburant strictement nécessaire aux embarcations pour sortir des eaux territoriales libyennes ; à charge pour les migrants de passer ensuite des appels de détresse à destination des navires présents sur zone !
Les morts ou disparus en Méditerranée :
1) Pour ceux que le sujet intéresse, lire Régis Debray, L’éloge des frontières, Gallimard, 2010.
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