4.4.22

Chroniques de Mars 2022

 Mercredi 2 mars

Le commerce des épices ; 2e partie, pourquoi un tel engouement ?

Le mot " épice " (du latin species, qui signifie " substance "), apparu dans la langue française à la fin du XIIe siècle, désigne historiquement une substance aromatique d’origine végétale, à coût unitaire élevé, importée la plupart du temps de régions tropicales d’Asie (Inde, Indonésie, Asie du sud-est) et d’Amérique (Mexique, Pérou, Antilles). Étant données les distances parcourues avant leur commercialisation, les épices apparaissaient principalement sous forme séchée, voire broyée, concassée ou moulue.

Si l’on s’intéresse aux origines de la demande d’épices en matière d’alimentation, on rencontre diverses explications. Le calendrier chrétien comportait de nombreux saints, qu’il convenait d’honorer en consommant du poisson à la place de la viande ; ce met, fade, ne devenait appétissant que par l’ajout d’épices. La diversité culinaire était pauvre ; les épices apportaient un peu de goût et de fantaisie à la gastronomie (l’art culinaire n’apparaîtra qu’à la Renaissance). Par contre, deux explications sembleraient erronées : les épices auraient été utiles pour conserver les aliments, c’est peu probable, car des méthodes connues depuis la Préhistoire comme le fumage, la salaison ou le séchage à l’air étaient beaucoup plus efficaces ; les épices auraient été utiles pour masquer le goût de la viande avariée, c’est peu probable, leur coût étant bien supérieur à celui des aliments frais, disponibles localement.

Marchand d’épices à Nuremberg, manuscrit de 1453

La demande d’épices avait donc des causes plus profondes et plus complexes que la simple curiosité gastronomique. Les sociétés antiques et médiévales les considéraient comme efficaces pour traiter et prévenir certaines maladies. Les épices étaient aussi brûlées comme encens pour les sacrements, distillées pour la cosmétique, les parfums et les onguents. Le déclin des épices en Europe au XVIIe siècle coïncidera avec le succès de nouveaux produits stimulants : café, tabac, thé et chocolat.

Comme toute marchandise de luxe, les épices avaient une fonction de distinction sociale. Elles représentaient pour leur acquéreur un symbole de richesse, de prestige et de style. Les épices, notamment le poivre, avaient parfois servi de monnaie d’échange (d’où cette expression, « payer en espèces », à l’origine, « payer en épices ») et de valeur refuge. Lorsque les Croisés, au XIIe siècle, s’emparèrent de la ville de Césarée, en Palestine, ils furent récompensés avec un kilogramme de poivre !

Le poivre, " roi des épices ", cultivé au sud-ouest de l’Inde, sur la côte de Malabar, dans la région du Kerala, était de très loin la principale épice à valeur marchande, au moins jusqu’au XVIIe siècle. La cannelle et le curcuma provenaient également du sous-continent indien. Le gingembre venait d’Asie du sud-est ; les " îles aux épices ", l’archipel des Moluques, à l’est de l’Indonésie, ont été longtemps l’unique source du clou de girofle et de la noix de muscade.

Ce soir, j’ai procédé à l’inventaire du rayon " épices " de ma cuisine : cannelle, cumin, curry, gingembre, muscade, paprika, poivre. Pas très fourni !

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