6.8.20

Chroniques de Juillet 2020

par Georges Charles

Jeudi 2 juillet

Trois jours chez ma mère ; 3 e partie, Beaune, ville étape

Il peut sembler surprenant d’ouvrir une rubrique consacrée à des séjours, brefs mais réguliers,  dans les Vosges et de placer, en préambule, des commentaires et observations sur le trajet pour s’y rendre.

Beaune, département de la Côte-d’Or, région Bourgogne- Franche-Comté. En 2019, la population de Beaune était de 21 193 habitants, la 2e commune du département après Dijon.

Pourquoi une halte ici ? Deux raisons, de la plus affective à la plus prosaïque. Dans la culture vosgienne, le vin de Beaune (un luxe !) était réservé à la célébration d’événements familiaux d’importance, baptême, communion, mariage, enterrement… et le reste de l’année, les hommes buvaient du picrate tiré du tonneau. Située à environ 700 km de Toulouse et à 220 km de Zainvillers, c’est une étape idéale, au terme d’une longue demi-journée, pour oublier la fatigue du trajet entrecoupé de haltes dans les fameux " espèces d’espaces " autoroutiers.

L’Histoire, c’est ma marotte. Eudes III, duc de Bourgogne, permet à Beaune d’exister en tant  qu’institution autonome dès 1203. En 1443, Nicolas Rolin, chancelier de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, fonde avec son épouse Guigne de Salins, de la noblesse comtoise, les Hospices de Beaune.

Beaune est considérée comme la capitale des vins de Bourgogne. Au nord, au sud et à l’ouest de la commune s’étend la Côte de Beaune 1 sur laquelle se trouvent nombre d’appellations, parmi les plus prestigieuses ; d’une superficie de près de 6 000 hectares, soit environ le quart du vignoble de Bourgogne. Producteurs et négociants en vin sont présents à Beaune depuis le XVIIIe siècle. Chaque année depuis 1851, les Hospices de Beaune organisent une vente aux enchères de charité de ses productions, de renommée internationale.

Au premier plan, le vignoble de Pommard ;
en arrière-plan, Beaune

Métamorphose de la ville. Au fil des années 1990 et 2000, j’ai vu Beaune se transformer en un îlot riche et mondialisé, au coeur d’un territoire rural géographiquement enclavé. Rue d’Alsace et place Carnot, à proximité de la Halle et des Hospices, ont jailli des succursales de banques, des galeries d’art, des boutiques de luxe (vêtements, décoration, accessoires et babioles coûteuses) qui affichent fièrement le réseau auquel elles appartiennent : Paris, Londres, New York, Tokyo…





Un rituel ; je dîne à Beaune, très bien ; j’arpente ses rues de mieux en mieux aménagées, couvertes de terrasses comme dans le Midi, débarrassées des bagnoles, permettant de contempler librement les façades des hôtels particuliers.

De mes passages ici, reste le souvenir de cette anecdote. Dans un bar à vins-restaurant, je suis à côté d’une table occupée par deux Américains. Lorsqu’ils se lancent dans des blagues sur les Français (toujours les mêmes, « les Français sont prétentieux, paresseux… »), je m’autorise à leur dire, en anglais, que je comprends leur conversation. Ils m’invitent à leur table, où trônent déjà quelques bouteilles entamées des meilleurs crus de la région. Soirée taste-vins : ce sont des acheteurs de grands crus pour le compte de restaurants haut de gamme de New York et de Washington. Par patriotisme, je picole à leur rythme, soutenu. L’ivresse par l’alcool, c’est peut-être la recherche d’une certaine plénitude ; sinon, pourquoi dirait-on alors qu’on est " bourré ", " plein " ou " rond ". Il me faudra de longues minutes pour récupérer mes esprits, me souvenir du code de ma carte bancaire, trouver l’audace de me lever, raide comme seul un homme ivre peut l’être, traverser dignement la salle de restaurant sans dériver ni tomber, viser la porte, sortir théâtralement… et marcher dans les rues en jouant avec l’idée que l’alcool est à la fois une récompense et un refuge, jusqu’à l’hôtel !