par Georges Charles
Mercredi 1er décembre
Marseille, novembre 1962. Pour tromper l’ennui, dans l’attente de la fameuse « autorisation de sortie du territoire » (à 17 ans, je suis à 4 ans de la majorité, fixée alors à 21 ans), j’évoque avec mon compagnon de voyage le paradoxe de notre situation : depuis le cessez-le-feu du 19 mars 1962, la certitude de ne pas participer à la guerre d’Algérie est acquise pour les jeunes Français du contingent nés à partir de 1943 et voilà que nous, nous y partons volontairement. Les pays qui connaissent des bouleversements politiques majeurs (et la proclamation de l’indépendance algérienne en juillet 1962 en est un) peuvent apparaître, dans l’imaginaire de certains, comme des lieux où tout est possible…
Partir en Algérie, avec une connaissance quasi nulle des événements récents qui l’avaient concernée, il faut le faire ! Tel un Fabrice Del Dongo sur le champ de bataille de Waterloo, dépassé par les événements, j’avance avec naïveté dans l’histoire en empruntant le chemin inverse de celui de l’immense majorité de mes compatriotes d’Algérie.
Durant l’été 1962, j’avais travaillé dans un hôtel à Vittel. Parmi la clientèle, les pieds-noirs étaient particulièrement anxieux, en dépit des effets bénéfiques de la cure thermale. Ces gens étaient à la fois assez aisés pour avoir rapatrié leurs biens avant le chaos final et assez lucides pour admettre que la page était tournée et qu’ils ne retourneraient plus jamais « là-bas ». Aux terrasses des cafés de l’avenue Bouloumié, les filles pieds-noirs, surtout les plus attirantes, captivaient les jeunes métropolitains, les « patos », par le récit de leurs tragiques aventures…On peut appeler cela une prise de connaissance sommaire.
Le 8 avril 1962, la population française s’était prononcée à 90 % en faveur de l’application des accords d’Evian1.
Le 1er juillet, les Algériens choisissent la voie de l’indépendance, en maintenant une coopération avec la France, dans une proportion de plus de 99 %. En quelques mois, entre avril et septembre, 900 000 habitants d’origine européenne (dont 225 000, rien que pour le mois de juin) ont quitté l’Algérie. Les « rapatriés » se sont massivement installés en France, où la majorité n’avait jamais mis les pieds ; une petite minorité est allée en Espagne ; d’autres sont partis pour des pays plus lointains, le Canada ou l’Argentine.
Au départ, le gouvernement de l’époque avait estimé à 200 ou 300 000 le nombre de rapatriés temporaires en France, qu’il considérait comme des « touristes ». Rien n’était donc prévu pour un retour aussi massif. Le 27 juin, il donnera aux préfets et aux élus le droit de réquisitionner des résidences de vacances destinées à la location. Mais les pouvoirs publics, l’Etat et les collectivités locales concernées, ne souhaitent pas que les départements littoraux méditerranéens deviennent des terres d’accueil privilégiées ...
Marseille, novembre 1962. Pour tromper l’ennui, dans l’attente de la fameuse « autorisation de sortie du territoire » (à 17 ans, je suis à 4 ans de la majorité, fixée alors à 21 ans), j’évoque avec mon compagnon de voyage le paradoxe de notre situation : depuis le cessez-le-feu du 19 mars 1962, la certitude de ne pas participer à la guerre d’Algérie est acquise pour les jeunes Français du contingent nés à partir de 1943 et voilà que nous, nous y partons volontairement. Les pays qui connaissent des bouleversements politiques majeurs (et la proclamation de l’indépendance algérienne en juillet 1962 en est un) peuvent apparaître, dans l’imaginaire de certains, comme des lieux où tout est possible…
Partir en Algérie, avec une connaissance quasi nulle des événements récents qui l’avaient concernée, il faut le faire ! Tel un Fabrice Del Dongo sur le champ de bataille de Waterloo, dépassé par les événements, j’avance avec naïveté dans l’histoire en empruntant le chemin inverse de celui de l’immense majorité de mes compatriotes d’Algérie.
Durant l’été 1962, j’avais travaillé dans un hôtel à Vittel. Parmi la clientèle, les pieds-noirs étaient particulièrement anxieux, en dépit des effets bénéfiques de la cure thermale. Ces gens étaient à la fois assez aisés pour avoir rapatrié leurs biens avant le chaos final et assez lucides pour admettre que la page était tournée et qu’ils ne retourneraient plus jamais « là-bas ». Aux terrasses des cafés de l’avenue Bouloumié, les filles pieds-noirs, surtout les plus attirantes, captivaient les jeunes métropolitains, les « patos », par le récit de leurs tragiques aventures…On peut appeler cela une prise de connaissance sommaire.
Le 8 avril 1962, la population française s’était prononcée à 90 % en faveur de l’application des accords d’Evian1.
Le 1er juillet, les Algériens choisissent la voie de l’indépendance, en maintenant une coopération avec la France, dans une proportion de plus de 99 %. En quelques mois, entre avril et septembre, 900 000 habitants d’origine européenne (dont 225 000, rien que pour le mois de juin) ont quitté l’Algérie. Les « rapatriés » se sont massivement installés en France, où la majorité n’avait jamais mis les pieds ; une petite minorité est allée en Espagne ; d’autres sont partis pour des pays plus lointains, le Canada ou l’Argentine.
Au départ, le gouvernement de l’époque avait estimé à 200 ou 300 000 le nombre de rapatriés temporaires en France, qu’il considérait comme des « touristes ». Rien n’était donc prévu pour un retour aussi massif. Le 27 juin, il donnera aux préfets et aux élus le droit de réquisitionner des résidences de vacances destinées à la location. Mais les pouvoirs publics, l’Etat et les collectivités locales concernées, ne souhaitent pas que les départements littoraux méditerranéens deviennent des terres d’accueil privilégiées ...